Nicolas Hermet signe pour ses débuts en compétition deux très belles places en catégorie A avec respectivement la seconde et première marche du podium ! Retrouvez son interview ci-dessous suite à cette première course de la saison.
Il y a 12 ans j’étais en stage de fin d’études sur le Technopôle de Magny-Cours. Je bavais devant les voitures qui tournaient à chaque pause café. J’ai même fini par rouler dessus, dans une Logan cup pour seulement quelques tours…
Ce Jeudi 24 Mars 2022, j’arrive après quelques heures de route dans le box 8, l’équipe est là. Je gagne le cockpit de ma Lotus et m’y brûle la main sur le pot d’échappement. Je ne dis rien à l’équipe pour n’inquiéter personne, et j’oublie vite la douleur lorsque Stéphane nous emmène, Kaï, Fédérico et moi faire un tour du circuit à pied.
On a tous déjà vu Magny-Cours. La période F1, les pilotes qui font le tour à pied avec leurs ingénieurs le jeudi pour repérer les détails importants pour le weekend. Cette fois-ci, pendant un couché de soleil incroyable, c’est moi qui qui suit debout sur cette piste mythique. L’impression d’être dans un rêve, que ce n’est pas possible, ce n’est pas réel. Et cette piste, qui semblait si imposante à la TV, se retrouve d’un seul coup presque intime, malgré sa largeur déconcertante. Ses vibreurs dévoilent leurs secrets, ses courbes, ses montées et descentes, presque invisibles sur un écran, deviennent réalité. Une réalité qu’il faut apprendre vite. On se sent humble. Marcher là où tous ces grands pilotes ont marché. Scruter des détails qu’ils ont eux aussi forcément vu.
Pour beaucoup de passionnés, ce week-end aurait pu s’arrêter là : j’avais eu l’honneur de faire un tour complet à pied. Je prends au passage la mesure que peu de gens en ont l’opportunité.
Vendredi matin, beaucoup trop tôt. J’ai mal dormi naturellement. La première séance d’essai privée se déroule toutes monoplaces confondues. Cela signifie que des voitures bien plus puissantes roulent en même temps. L’appréhension est palpable pour moi qui n’ai fait alors que du karting. Bien sûr il y eut le Volant Michel Vaillant x YEMA, mais tout y est fait pour que le risque de collision soit limité et les voitures sont toutes identiques.
Je monte donc dans la monoplace avec une certaine appréhension. Mon objectif, figer les instructions de Stéphane de la veille, et apprendre à rouler avec d’autres gens. Apprendre à regarder ses rétros.
4 tours se passent, je suis une autre Formule Ford (plus récente), je prends confiance, la voiture est toujours aussi équilibrée. Imola se passe bien, je commence à tester certaines limites personnelles. Le virage du château d’eau, nickel. Virage du lycée, tient, une monoplace très rapide dans le rétro, elle est loin. Chicane des stands, la monoplace s’est vraiment rapproché très fort, je vais me pousser dans la ligne droite ce sera plus sûr.
Le temps s’arrête. Un gros choc à l’arrière droit au moment de passer sur le vibreur. Je sens que j’ai été tapé. Ai-je coupé la route à quelqu’un ? Je pars en tête à queue et reste bloqué en plein milieu de la piste. Impossible de redémarrer. J’agite les bras très vite. J’ai peur qu’on me percute à nouveau. Seul un drapeau jaune, ce n’est pas suffisant, les gens passent vraiment vite autour de moi et me voient au dernier moment. Drapeau rouge… enfin je respire. Mais j’ai honte. J’ai toujours en tête ce que m’avait enseigné Alexis le patron du circuit de karting que j’arpentais quelques années auparavant : “Si on te sort, demande toi si ce n’est pas parce que tu te mets au mauvais endroit”.
Résultat, un porte-moyeu (d’origine) en magnésium fissuré et un amortisseur cassé. Cette pièce n’est pas trouvable en supermarché. Si on ne trouve personne capable de souder le magnésium le week-end est fini…
Je suis perdu, je ne sais pas quoi faire pour aider, j’ai en fait un peu honte d’avoir tapé, je me sens coupable. Et du coup encore moins sûr de mes capacités à rouler en peloton. Pourtant on me l’assure, c’est l’autre voiture qui est en faute. Mais je ne peux m’empêcher de me sentir coupable.
Je le savais déjà. Mais je sais que beaucoup peinent encore à le croire. Là, heureusement que je suis encadré par la Classic Racing School. L’équipe arrive à trouver quelqu’un capable de faire les réparations, et le trio de mécaniciens de choc, Théo, Antoine et Lenny arrivent à me l’installer pour la dernière séance d’essais libres de la journée. Impensable. Un miracle ? Non, une équipe sur-motivée.
Les réparations sont tout juste effectuées, je sors des stands… ça glisse fort. Dans la ligne droite, je peine à garder la voiture en ligne : beaucoup de vent ? Premier gros freinage, la voiture est intenable… Et cela empire. La sensation de perdre la roue arrière droite. Je rentre au ralenti. L’angoisse d’être percuté à nouveau. Je n’aurais même pas fait un tour.
Check de l’équipe. Dans l’accident du matin, les goujons avaient eux aussi subi des dommages. Les qualifications ne sont que dans 3h et il nous faut un poste à souder.
Par solidarité extérieure, on trouve un poste à souder, et, encore une fois, les 3 mécaniciens de la Classic Racing School abattent un travail d’exception.
Je parviens in-extremis à partir pour les qualifs. Je fais une bonne 5ème place de ma catégorie. 13ème général. Pas mal pour quelqu’un qui n’a pas roulé de la journée.
Mon objectif donné par Pierre, mon coach attitré avec Stéphane, était simple. “Prends le comme du roulage, reste zen, il n’y a rien à aller chercher. Donc fais juste attention à toi et prends du plaisir”.
Pourtant, trop peu, voire presque pas, de roulage. Une voiture dont je ne sais comment elle va se comporter après les réparations. Encore l’appréhension de rouler en peloton. Vous imaginez l’état d’esprit dans lequel j’étais en montant dans la voiture. J’avais une tachycardie à faire pâlir un cardio.
J’ai tenté une technique de méditation en me concentrant sur un élément de décor. J’ai choisi ma montre. La YEMA qui faisait partie de la dotation au volant. Je l’avais mise comme un gri-gri avant de monter dans la voiture. Je me suis concentré dessus, pendant presque 30 minutes de prégrille. Je vous le dis… ça n’a pas marché.
Heureusement, sur la grille de départ, je suis entouré des autres pilotes de l’équipe. De quoi me rassurer et regagner un peu de confiance, surtout dans les premiers virages.
Les feux rouges s’allument.
Puis s’éteignent.
Je n’ai pas écouté les conseils de Pierre et de Stéphane. J’ai tout donné. J’étais véritablement en transe. La même sensation que pendant le Volant Michel Vaillant x YEMA. Cette adrénaline d’abord, puis ces conseils donnés tout au long du volant : “Degressif le freinage !”, “tends ta trajectoire”, “projette le regard !”. Autant de conseils que j’ai pu dérouler, le couteau entre les dents.
Brutal. Intense. Véritablement physique. Puis le drapeau à damier.
Je rentre aux stands et on me demande d’arrêter ma voiture sur le côté plutôt que de rentrer au box comme les autres. Je ne sais pas pourquoi. Théo, mécanicien de l’équipe, arrive vers moi. “Bon c’est pas mal pour une première course, tu fais P2 c’est bien”…
Oui…
Attends… quoi ?
P2 ??
Je fais un podium ??
Impossible. Quelle émotion. Indescriptible. J’en pleure encore de joie en écrivant ces lignes. Première course, premier podium. Moi qui ai failli ne même pas prendre le départ. Moi qui n’ai jamais fait de course auto jusqu’à ce week-end.
Ce podium je ne m’en remet toujours pas.
Cette fois-ci, la pression est moindre. Je pars exactement à la même position que la veille. Mon acolyte à nouveau à mes côtés. Vu mon résultat de la vieille, Pierre me conseille une cible : celle d’Eric Lecluse. En général premier de la catégorie, il partira juste devant moi ce qui en fait un excellent lièvre.
Je pars avec un esprit serein. Apaisé. Je n’ai plus rien à prouver et la voiture est absolument parfaite. Donc on va dérouler. Je vais accrocher Eric et ne plus le lâcher.
Les feux s’éteignent, mais le feu sacré se rallume toujours aussi bien. Et ce fut une bataille acharnée avec Eric ainsi que Michel Dupont. Bataille que je finirai par emporter à la régulière à la mi course.
Oui, car grâce aux précieux conseils qui m’ont encore été donnés depuis la veille, j’améliore d’une pleine seconde mes meilleurs temps, et de deux secondes mon rythme.
De quoi faire la première place en catégorie A, 5ème au général.
Alors… il est pas mal ce nouvel album de Michel Vaillant non ? Mais ce n’est pas un album… c’est le début de ma saison.
Incroyable je vous dis.
Dans le feu de l’action on oublie toujours de remercier ceux qui ont rendu ce rêve possible. Pour preuve, les messages de Jean-Louis Dauger, directeur de la marque Michel Vaillant, sur mon téléphone que je ne rouvre que le dimanche soir : “Tu regardes tes messages ?”.
Alors voilà, j’aimerais être très clair sur un point. Avant le Volant Michel Vaillant x YEMA, participer à une telle course était impensable. La gagner encore moins.
Alors oui un grand merci à toute l’équipe de la Vaillante Académie de m’avoir tant appris en ces 3 jours de volant.
Forcément on ne peut les remercier sans remercier les partenaires qui les accompagnent. Car sans eux, ce projet n’existerait pas. Je pense bien sûr à Jean-Louis et la marque Michel Vaillant, mais aussi aux Circuits de Vendée où se déroule le volant, à l’horloger YEMA, sponsor officiel, mais également à l’équipementier RRS qui non seulement équipe la Vaillante Académie mais qui m’équipe également pour la saison. Mention spéciale à Benoît Ricciardi pour s’être démené pour me trouver une paire de gants à ma taille, une semaine à peine avant la course. Un immense merci à eux.
Bien entendu je ne peux terminer sans remercier cette équipe absolument incroyable de la Classic Racing School.
A commencer par les mécaniciens : vous avez fait l’impensable, sans vous, je ne partais pas.
Coraline, Ariane, merci pour cette organisation et cette logistique extraordinaire comme à votre habitude. Ne pas avoir à réfléchir à quoique ce soit d’autre que de rouler est un immense cadeau.
Et naturellement un grand merci à Julien, Pierre et Stéphane pour leur entourage, leur gentillesse mais surtout, surtout, leurs précieux conseils.
Vivement Lédenon qu’on puisse tous se retrouver.
– Nicolas Hermet